Le modèle du « toit-jardin » chez Le Corbusier et son influence sur l’archi­tec­ture moderne au Japon. Une confé­rence du pro­fes­seur Shôichirô Sendai, Hiroshima University

Le modèle du « toit-jardin » proposé par Le Corbusier est une des formes normatives du modernisme architectural, dérivant directement du système constructif de la maison « Dom-ino », et de l’invention d’une architecture sur pilotis. Pour Le Corbusier, le soleil qui baigne le toit est bon pour la santé, tandis que l’horizontale du toit-jardin produit une harmonie d’un point de vue paysager. Après les années 1920, il va poursuivre sa recherche sur le « toit-jardin », qui ne concerne ni le type du bâtiment ni la figure de toiture. Une des sources d’inspiration chez Le Corbusier est peut-être une œuvre en béton armé d’Auguste Perret, ou bien le Voyage d’orient lui-même réalisé par Le Corbusier en 1911 (« des jardins suspendus » à la Villa d’Hadrien, ou « la loggia » de la Chartreuse d’Ema). La traduction de l’histoire en architecture moderne est une des constantes dans la création chez Le Corbusier.

Réciproquement, quelle est l’influence du « toit-jardin » en tant que dis­po­si­tif moderne sur les réa­li­sa­tions des archi­tec­tes japo­nais ? Pour des rai­sons idéo­lo­gi­ques, à partir des années 1930, le gou­ver­ne­ment japo­nais va impo­ser un style impé­ria­liste-natio­na­liste (Teikan-Yôshiki) avec un toit tra­di­tion­nel en tuiles. Après la seconde guerre mon­diale, en raison du manque de maté­riaux, il faudra cons­truire plus économique en uti­li­sant le bois. Les archi­tec­tes sont natu­rel­le­ment enclins à cons­truire avec une toi­ture incli­née. Cependant, ceux qui ont tra­vaillé dans l’ate­lier Le Corbusier vont pro­po­ser alors le modèle du « toit-jardin » cor­bu­séen.

En novem­bre 1955, Le Corbusier visite au Japon les der­niè­res réa­li­sa­tions de Kunio Maekawa, Junzô Sakakura ou Takamasa Yoshizaka. Il com­pare la maison de Yoshizaka à la « maison–citroan » et appré­cie le gazon du toit-ter­rasse de la Maison Internationale. En revan­che, il n’a guère été sen­si­ble à la beauté de la toi­ture tra­di­tion­nelle au Japon.

Maekawa est le seul archi­tecte qui se soit atta­ché dura­ble­ment au « toit-jardin » en tant que figure hori­zon­tale. Sakakura a réa­lisé des « toit-jardin » dans quel­ques-unes de ses œuvres, mais son inté­rêt se porte pro­gres­si­ve­ment vers la cour ou la ter­rasse à rez-de-chaus­sée. Yoshizaka est plus libre. Il couvre sa « maison-citroan » avec une toi­ture à pentes pour la pro­tec­tion contre la pluie.

Dans la suite du déve­lop­pe­ment du moder­nisme archi­tec­tu­ral au Japon, la notion de « toit-jardin » comme envi­ron­ne­ment ver­ti­cal est aban­don­née, et le mou­ve­ment converge sur la tra­di­tion japo­naise (le « hisa­shi » ou le « naka-niwa »). Il semble inconce­va­ble que le Japonais habite sur un toit dans la vie quo­ti­dienne. Cette étude devrait nous per­met­tre de dis­cu­ter le pro­blème de la sen­si­bi­lité archi­tec­tu­rale au-delà de la ques­tion du climat ou des habi­tu­des socia­les et cultu­rel­les. En fait, l’ori­gine de la notion japo­naise de toi­ture, à l’époque Jômon (« Ya-ne »), impli­que l’idée d’un espace fon­da­men­tal sans mur.