Les splendeurs de la Daiei
L’histoire des studios de la Daiei (1942-1971) a été marquée par la figure charismatique et parfois controversée de son président, Masaichi Nagata. En 1951, le succès international de Rashômon (Akira Kurosawa), qui éblouit l’Occident par ses audaces formelles, conforte Nagata dans l’idée que le cinéma japonais s’imposera au monde avec des productions de prestige. Ainsi débute l’âge d’or de la Daiei, Nagata s’étant entouré de valeurs sûres, transformées sous sa houlette en ambassadeurs du cinéma et de la culture japonaises dans les festivals du monde entier : Kenji Mizoguchi (Contes de la lune vague après la pluie, Le héros sacrilège), Teinosuke Kinugasa (La porte de l’enfer) et Kôzaburô Yoshimura (Le roman de Genji). Négociateur habile, Nagata s’offre en plus les services des grands maîtres des studios concurrents et les fait travailler avec ses équipes : grâce notamment à la photographie de Kazuo Miyagawa, le plus grand chef opérateur du cinéma japonais sous contrat à la Daiei, Yasujirô Ozu réalise pour Nagata Herbes flottantes, son chef-d’œuvre en couleur ; et Kon Ichikawa, L’étrange obsession, superbe représentation visuelle de « l’éloge de l’ombre », cette esthétique qu’affectionna tant l’écrivain Tanizaki. L’âge d’or à la Daiei, littéralement euphorique, culminera avec Shaka : la vie de Bouddha (1961), le premier film japonais en 70mm produit pour concurrencer les superproductions dans le genre de Ben-Hur.
Malheureusement, Nagata n’aura pas le temps de développer plus avant cette idée originale de produire des péplums à la japonaise qui auraient pu donner la réplique au cinéma américain. Sa société fut rapidement happée par la spirale du déclin, dès 1962, en dépit de ses tentatives répétées d’intégrer de nouvelles formes cinématographiques, sans toutefois jamais renoncer vraiment au cadre traditionnel de son studio et à sa conception très personnelle du septième art. Ainsi, autant la télévision que les hésitations du producteur-président tout-puissant eurent-elles raison, tout ensemble, de la modernité rugissante incarnée par Yasuzô Masumura, de la psychologie tout en émotion des films de sabre de Kenji Misumi, des expérimentions de film noir à la Melville (Le silencieux) du vétéran Kazuo Mori, et des films d’action revitalisants de Tokuzô Tanaka et Kazuo Ikehiro.
Néanmoins, ni les difficultés économiques ni la crise artistique minant la Daiei ne découragèrent jamais ces modestes et dociles artisans, auxquels on reconnaît aujourd’hui un statut d’auteur bien mérité, de réaliser un cinéma populaire de qualité, énergique, ingénieux dans la contrainte, et toujours admirablement photographié grâce au savoir-faire estampillé « Daiei » reconnaissable dans chaque film ; même si tout cela ne put se faire que par une mise à contribution surhumaine des deux stars masculines du studio : Raizô Ichikawa (158 films) et Shintarô Katsu (173 films). Ces deux dignes héritiers du monstre sacré Kazuo Hasegawa porteront sur leurs épaules, une décennie durant, la destinée chancelante de la Daiei.
Fabrice Arduini
Les films
Mademoiselle Oyû
お遊さま (oyû sama)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto /
Scénario : Yoshikata Yoda d’après Junichirô Tanizaki / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Kinuyo Tanaka, Nobuko Otowa, Yûji Hori / 95’ / N&B / Copie 35mm
Sur les injonctions de sa tante, l’orphelin Shinnosuke rencontre Oshizu (Nobuko Otowa), une fille à marier. Mais le jeune homme s’éprend d’Oyû (Kinuyo Tanaka), la sœur d’Oshizu. Il ne peut l’épouser car elle est veuve, mère d’un petit garçon, et qu’elle vit chez ses beaux-parents. Pour ne pas la perdre, il se résigne à épouser Oshizu.
Les contes de la lune vague après la pluie
雨月物語 (ugetsu monogatari)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Scénario : Matsutarô Kawaguchi et Yoshikata Yoda d’après Akinari Ueda / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Kisaku Itô / Rôles principaux : Masayuki Mori, Kinuyo Tanaka, Eitarô Ozawa, Mitsuko Mito, Machiko Kyô / 94’ / N&B / Copie 35mm Lion d’argent - Festival de Venise 1953
Aux abords du lac Biwa en 1583, à l’époque des seigneurs de la guerre. Les péripéties de Genjurô (Masayuki Mori), un potier, et de son beau-frère Tôbei (Eitarô Ozawa). Les deux hommes n’hésiteront pas à sacrifier leur famille, le premier pour une ambition artistique et le second par soif de pouvoir.
Les musiciens de Gion
祇園囃子 (gion bayashi)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Scénario : Yoshikata Yoda d’après Matsutarô Kawaguchi / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Ichirô Saitô / Décors : Kazumi Koike / Rôles principaux : Michiyo Kogure, Ayako Wakao / 85’ / N&B / Copie 35mm
Kyôto. Miyoharu, geisha de renom, prend en charge la jeune Eiko qui fera des débuts prometteurs. Plus moderne et volontaire que ses aînées, Eiko ouvre la voie à une évolution des mœurs dans le monde des courtisanes.
L’intendant Sanshô
山椒大夫 (sanshô dayû)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Scénario : Fuji Yahiro et Yoshikata Yoda d’après Ôgai Mori / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Kisaku Itô / Rôles principaux : Kinuyo Tanaka, Yoshiaki Hanayanagi, Kyôko Kagawa / 125’ / N&B / Copie 35mm
Lion d’argent – Festival de Venise 1954
Au 11e siècle. La femme (Kinuyo Tanaka) et les deux enfants d’un gouverneur qui vient d’être muté dans une province lointaine sont kidnappés en cherchant à le rejoindre. Alors que leur mère est vendue comme prostituée, Zushio et sa sœur Anju sont jetés dans un camp d’esclaves commandé par l’abominable intendant Sanshô. Dix ans plus tard, apprenant que leur mère est vivante, les enfants cherchent à s’évader.
Une femme dont on parle
噂の女 (uwasa no onna)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Histoire originale : Yoshikata Yoda, Masashige Narusawa / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Toshirô Mayuzumi / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Kinuyo Tanaka, Tomoemon Ôtani, Yoshiko Kuga / 84’ / N&B / Copie 16mm
A Kyôto, dans un quartier de plaisir. Yukiko (Yoshiko Kuga), étudiante en musique à Tôkyô, et sa mère Hatsuko (Kinuyo Tanaka), veuve et gérante d’une maison de geisha, convoitent sans le savoir le même homme.
Les amants crucifiés
近松物語 (chikamatsu monogatari)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Scénario : Yoshikata Yoda d’après Monzaemon Chikamatsu / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Kazuo Hasegawa, Kyôko Kagawa, Shindô Eitarô, Yôko Minamida / 103’ / N&B / Copie 16mm
Kyôto, au 18e siècle. Osan (Kyôko Kagawa), l’épouse du riche et affreusement avare Ishun (Shindô Eitarô), imprimeur officiel du palais impérial, demande en secret à Mohei, l’employé préféré de son mari, de lui prêter une somme d’argent pour venir en aide à sa famille. Mohei (Kazuo Hasegawa) tente d’obtenir l’argent frauduleusement. Découvert, il se dénonce à son patron. C’est alors qu’Ishun surprend Osan aux côtés de Mohei dans une posture lui semblant douteuse. Bien qu’épouse irréprochable, les apparences sont contre Osan. Elle décide de quitter sa maison, lassée aussi des infidélités de son mari. Mohei s’enfuit avec elle et va être amené, malgré leur différence de rang social, à lui déclarer son amour.
L’impératrice Yang Kwei-Fei
楊貴妃 (yôkihi)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Tôkyô et Shaw Brothers (Hong Kong) / Histoire originale : Ton Chin, Matsutarô Kawaguchi, Yoshikata Yoda, Masashige Narusawa / Photographie : Kôhei Sugiyama / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Machiko Kyô, Masayuki Mori, Sô Yamamura / 98’ / Couleur / Copie 16mm
La Chine au 8e siècle, à l’apogée de la dynastie des Tang. L’empereur retiré Xuanzong, évoquant ses souvenirs, se rappelle comment, veuf inconsolable, on lui présenta une fille de cuisine (Machiko Kyô) dont il tomba amoureux, et dont il fit l’impératrice Yang, déclenchant un tourbillon de jalousie et d’intrigues autour de lui.
Samedi 12 octobre 14h00
Vendredi 18 octobre 17h30
Le héros sacrilège
新・平家物語 (shin heike monogatari)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Kyôto / Scénario Yoshikata Yoda, Masashige Narusawa et Hisaichi Tsuji d’après Eiji Yoshikawa / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Fumio Hayasaka / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Raizô Ichikawa, Yoshiko Kuga, Naritoshi Hayashi, Michiyo Kogure / 107’ / Couleur / Copie 16mm
Dans le Japon du 12e siècle, nobles et guerriers s’opposent. Le commandant militaire Kiyomori Taira (Raizô Ichikawa) apprend qu’il est peut-être le fils de l’ancien empereur dont sa mère était l’une des courtisanes. Cette révélation va transformer sa vie, sur fond de lutte pour le pouvoir.
Samedi 12 octobre 18h00
Jeudi 17 octobre 17h30
La rue de la honte
赤線地帯 (akasen chitai)
Réalisation : Kenji Mizoguchi / Studios de Tôkyô / Scénario : Masashige Narusawa d’après Yoshiko Shibaki / Photographie : Kazuo Miyagawa / Musique : Toshirô Mayuzumi / Décors : Hiroshi Mizutani / Rôles principaux : Machiko Kyô, Ayako Wakao, Michiyo Kogure, Aiko Mimasu / 86’ / N&B / Copie 35mm
Tôkyô, après-guerre. Dans une maison de Yoshiwara, le quartier des plaisirs de Tôkyô, on s’inquiète d’une nouvelle loi discutée au parlement prévoyant l’interdiction de la prostitution.
Samedi 12 octobre 16h00
Mercredi 16 octobre 17h30
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