Poète, dramaturge, photographe ou encore cinéaste, Shûji Terayama (1935-1983) fut l’une des figures les plus influentes de la scène underground japonaise des années 60 et 70.

À l’occasion du 80e anniversaire de sa naissance, et dans le cadre du 17e Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris, la MCJP accueille le Collectif Jeune Cinéma pour une projection exceptionnelle en 16mm de la version longue et non censurée de son chef-d’œuvre L’Empereur Tomato-Ketchup (1971 / 75’/ film interdit aux moins de 16 ans).

La séance sera suivie d’une ren­contre avec Stéphane du Mesnildot, cri­ti­que et spé­cia­liste du cinéma asia­ti­que, et Chiho Yoda, doc­to­rante au Centre d’Histoire Sociale du 20e siècle (Paris 1), qui revien­dront sur le par­cours de cet artiste aux mul­ti­ples facet­tes.

L’Empereur Tomato Ketchup
De Shûji Terayama / 1971 / 16mm / 75’ / VOSTF
Interdit au moins de 16 ans 
Avec Gorô Abashiri, Tarô Apollo, Shirô Demaemochi

Ce film a été réa­lisé par Shuji Terayama à partir de sa propre pièce radio­pho­ni­que La Chasse aux adul­tes (1960) qui voit les enfants se révol­ter contre les adul­tes et pren­dre le pou­voir. Les enfants édictent des lois qui condam­nent les ins­ti­tu­teurs à la peine capi­tale et les auteurs de contes de fée à cin­quante ans de prison. Ils défen­dent les vices, l’assas­si­nat, la vio­lence ou le viol des femmes à leur manière enfan­tine. C’est une pseudo-utopie créée par les enfants. Le film est pré­senté au Festival de Cannes en sec­tion court métrage en 1972 et reçoit le Prix du Court Métrage au Festival inter­na­tio­nal du Jeune Cinéma de Toulon la même année.

« Shuji Terayama (1935-1983) est un artiste poly­gra­phe aux mul­ti­ples talents : écrivain, poète, dra­ma­turge, réa­li­sa­teur, met­teur en scène, scé­na­riste, pho­to­gra­phe, chro­ni­queur hip­pi­que, auteur de chan­sons... Dans l’his­toire artis­ti­que du Japon, il est sur­tout connu en tant que met­teur en scène au sein de son labo­ra­toire théâ­tral de Tenjōsajiki, une des trou­pes de l’Underground Theater autour des années 1970.

Nourri de lit­té­ra­ture occi­den­tale dès son enfance, cet intel­lec­tuel est resté tout au long de sa vie fidèle à son leit­mo­tiv « Contre le pou­voir », qu’il a exprimé à tra­vers dif­fé­ren­tes formes d’œuvres d’art très pro­vo­ca­tri­ces. Dans un contexte artis­ti­que où domine l’avant-garde dans le monde des années 1970, sa troupe Tenjōsajiki a été invi­tée dans plu­sieurs fes­ti­vals de théâ­tre inter­na­tio­naux notam­ment en Europe. En paral­lèle de ses repré­sen­ta­tions théâ­tra­les, Terayama a pré­senté ses courts et longs métra­ges, notam­ment au Festival de Cannes.

Souffrant de cir­rhose, il a pré­senté le spec­ta­cle Instructions aux domes­ti­ques (奴婢訓) au Théâtre natio­nal de Chaillot en 1982, et s’est éteint l’année sui­vante à l’âge de 47 ans. Après sa mort, ses œuvres lit­té­rai­res sont réé­di­tées à plu­sieurs repri­ses et ses pièces de théâ­tre sont adap­tées par d’autres met­teurs en scène, en par­ti­cu­lier Marie Vison (毛皮のマリー).

Le Musée com­mé­mo­ra­tif de Shuji Terayama à Aomori, ouvert depuis 1997, est visité aujourd’hui par plu­sieurs géné­ra­tions. »

Chiho Yoda
Doctorante au Centre d’Histoire Sociale du 20e siècle (Paris 1)