Proposée par le Musée de la littérature moderne japonaise (Nihon Kindai Bungaku-kan) à Tokyo, et coorganisée par la Maison de la culture du Japon à Paris, cette exposition présente, pour la première fois en France et en Europe, l’univers de l’écrivain Yasunari Kawabata (1899-1972), prix Nobel de littérature 1968.
L’itinéraire conduit des débuts d’un jeune auteur moderniste de la fin des années 1920, aux chefs-d’œuvre publiés après-guerre : Pays de neige, Le Grondement de la montagne, Nuée d’oiseaux blancs, Kyôto, Les Belles endormies.
Sont exposés des manuscrits, premières éditions, tableaux et objets précieux de la collection Kawabata. Un choix de citations évoque les liens étroits qu’entretient l’œuvre avec la beauté des lieux (Tokyo, Kyoto, Kamakura), la poésie des saisons, et l’ombre de la mort. Ces images tissent une approche singulière du monde comme énigme, dans un questionnement de portée universelle.
L’exposition, en deux parties, se compose de cinq sections :
I. Images du 20e siècle : « Le modernisme et Asakusa », « Kawabata et Kyoto », « L’atelier d’un écrivain » (Hall d’accueil du rez-de-chaussée)
II. L’univers des romans : « L’inspiration de Kamakura », « Une esthétique de la mort ». (Foyer de la grande salle)
Yasunari Kawabata et « la beauté du Japon » : tradition et modernisme
Par Cécile Sakai, Professeur à l’Université Paris Diderot
Images du XXe siècle
L’exposition s’ouvre par un espace biographique, avec les principaux repères, ainsi que des citations tirées de Moi, d’un beau Japon, discours de réception du prix Nobel de littérature en 1968, avec une calligraphie par Kawabata d’un de ses poèmes préférés, œuvre du moine Dogen (1200-1253), fondateur de la secte bouddhique Soto.
Est proposée ensuite une promenade autour de trois pôles thématiques. Le premier pôle présente les débuts : dans le contexte du Grand Séisme de Tokyo (1923) et de la reconstruction urbaine qui s’ensuit, l’œuvre de Kawabata est d’abord marquée par le modernisme, sorte de matrice créative pour le tout jeune écrivain, puisqu’il lancera avec ses pairs le Mouvement des Nouvelles sensations (shin kankaku-ha) autour de la revue de cercle Bungei jidai (L’époque littéraire, 1924-1927). C’est le film muet Une page folle (Kurutta ippeji, 1926), réalisé par Teinosuke Kinugasa sur un scénario de Kawabata, qui cristallise le mieux cet esprit expérimental. Quelques photogrammes permettent de mieux comprendre l’ambition radicale qui porte ces jeunes artistes.
Le deuxième pôle nous conduit dans l’après-guerre, à travers le roman Kyôto (Kyoto, 1962), dont l’intrigue sinueuse, autour de jumelles séparées puis réunies, offre surtout l’occasion d’exalter les lieux, paysages et rites de l’ancienne capitale.
Plusieurs œuvres de Kaii Higashiyama (1908-1999), célèbre auteur de nihonga (peinture de style japonais) y sont présentées, notamment un grand tableau figurant les cryptomères de Kyoto au cœur de l’hiver : Première neige sur Kitayama (Kitayama hatsuyuki, 1968). Une tasse pour la cérémonie du thé en porcelaine de Shino, appartenant à la collection Kawabata, ainsi que des documents photographiques accompagnent cette traversée des saisons.