Précédé de Jinrin, kagura traditionnel d'Iwami
Un projet de l'ensemble Takatsu de Masuda avec la chorégraphe Susan Buirge

La chorégraphe franco-américaine Susan Buirge présente sa création Ao no kaze (Vent vert), un kagura contemporain qui célèbre le printemps. Jinrin, le kagura traditionnel qui l'accompagne, permet d'apprécier les caractéristiques théâtrales et musicales de cette danse séculaire. La chorégraphe contemporaine a choisi de plonger aux sources de cette tradition, d'en retrouver les principes fondateurs, à l'époque où on la dansait sans masque ni costume, dans la nature pour célébrer les saisons. Ce programme met en perspective sa démarche, un travail de traduction d'une culture chorégraphique très codifiée vers une écriture contemporaine, détachée de tout contexte narratif.

 

 

Qu'est-ce que le kagura ?
A l'origine, le kagura est une danse de transe devenue plus tard une danse de cour. Ancêtre du nô, il comprend essentiellement des chants, des flûtes et des percussions. La danse s'inscrit dans une cérémonie où les correspondances entre musique, gestes et objets sont très codifiées.
La musique de kagura est aussi intrinsèquement liée à la littérature. Elle est accompagnée de poèmes chantés qui peuvent être des prières adressées aux divinités ou des divertissements pour ces dieux. 
La musique et la danse de kagura se caractérisent par des formes répétitives fréquemment organisées par cycles de trois ou de neuf occurrences, le chiffre trois étant considéré comme porte-bonheur au Japon. 
Quoique fidèles à la tradition, les kagura des villes sont plutôt devenus des divertissements publics, alors que les kagura ruraux gardent l'esprit des origines. Les festivals de kagura accompagnent toutes les fêtes agraires du calendrier. Ils sont particulièrement développés à l'automne, au moment des moissons. 


L'ensemble de kagura Takatsu
L'histoire du groupe commence avec la fondation de la troupe d'Uji , au village de Kamate (département de Shimane, au sud-ouest du Japon) en 1881. En 1894, il introduit les huit temps particuliers au style du kagura d'Iwami, qui diffèrent des six temps du vieux style du kagura d'Izumo.
Plusieurs groupes de kagura s'établissent alors dans la région. L'un d'entre eux, fondé en 1927, deviendra en 1973 l'ensemble de kagura Takatsu. Aujourd'hui, cet ensemble compte quarante danseurs. Il s'est produit dans toute l'Asie, aux Etats-Unis, en Turquie, en Italie, en Australie…


Ao no kaze, une danse du printemps
L'ensemble Takatsu a invité la chorégraphe Susan Buirge en 2002 pour travailler sur une nouvelle danse, basée sur leur tradition du kagura d'Iwami. Ainsi s'est produite cette rencontre exceptionnelle entre l'expérience d'une chorégraphe de danse contemporaine venue de France et celle des danseurs de cette tradition de Shimane.
Le kagura d'Iwami de l'ensemble Takatsu est une célébration de l'automne. Ao no kaze (Vent vert), comme le titre le suggère, est une danse du printemps. Dans cette pièce, la musique semble émaner de la rivière, proche de la terre et des rochers ; et la danse du vent, dont la vitesse évolue à travers les pentes escarpées de la montagne.

Ces qualités se retrouvent dans les costumes des danseurs et des musiciens, comme dans la scénographie. Les costumes, hakama traditionnels de coton, présentent les teintes variées du vieux et du nouveau vert. 
La musique suit la même structure générale que la chorégraphie. Les structures rythmiques internes dépendent du style de base des danseurs qui sont soit ogres (oni), soit dieux (kami). L'utilisation de tapis de roseau par les musiciens indique que Ao no kaze se réfère à la tradition du kagura d'Izumo, à travers cette référence à la célébration annuelle du changement de tapis au sanctuaire de Sada.
Les danses de Ao no kaze sont non-narratives, sans masques et sans objets. Le seul objet présent sur scène est une colonne qui suggère l'endroit temporaire où l'esprit (kami) est invité à demeurer.


Susan Buirge
D'origine américaine, Susan Buirge a connu une seconde naissance en France où elle réside depuis 1970. Après avoir étudié la danse avec José Limon, Martha Graham et Louis Horst à la Juilliard School, à New York, elle danse avec la compagnie d'Alwin Nikolais de 1964 à 1967. En 1968, elle rompt avec ses maîtres et oriente son travail vers l'épure, les processus répétitifs et diversifie ses explorations. Conceptuelle, elle rejoint les courants minimalistes abstraits tout en défendant une danse sensuelle. En 1970, elle s'installe en France et fonde sa compagnie qui deviendra en 1994 Ma To Ma, puis en 1999 la Compagnie Susan Buirge. En 1989, elle voyage pour se nourrir d'autres traditions (Ethiopie, Grèce, Syrie, Taiwan, Japon et Inde) puis se consacre à la recherche, la chorégraphie et l'écriture. 
A l'écoute des mythes fondateurs, en 1992 elle se tourne vers l'Orient et le Japon qui devient une nouvelle terre d'accueil lui permettant de continuer ses recherches sur les relations et la complémentarité des traditions anciennes et de l'art contemporain. Son fameux Cycle des saisons (1994-1998), réalisé avec des danseurs de Kyôto et un ensemble de musique de gagaku, l'amène à la sérénité. En 2002, avec L'œil de la forêt, elle poursuit plus avant sa recherche, explorant les voies des nomades du Nord du Québec, au croisement d'interrogations contemporaines.
Premier chorégraphe résident à la Villa Kujôyama de Kyôto (1992-1993), elle est directrice artistique du Centre de recherche et composition chorégraphiques de la Fondation Royaumont depuis 2000.