Après les porcelaines d’Imari, la MCJP poursuit sa présentation de la culture de l’époque d’Edo (1603-1868). C’est l’estampe de paysage qu’elle met cette fois-ci à l’honneur en exposant l’intégralité de la magnifique série Cent vues célèbres d’Edo de Hiroshige, l’un des plus grands maîtres de l’ukiyo-e. Ces représentations d’Edo – ancien nom de Tôkyô – sont un précieux témoignage sur cette ville, juste avant qu’une modernisation effrénée ne change radicalement son apparence. Paysages que rythment les saisons et scènes de rue pittoresques constituent l’essentiel de ces œuvres dont l’inventivité graphique a fasciné les peintres impressionnistes, Van Gogh, Gauguin ou encore Toulouse-Lautrec.
 
Utagawa Hiroshige (1797-1858) commence à 60 ans la série des Cent vues célèbres d’Edo qu’il poursuivra jusqu’à sa mort deux ans plus tard. Avec plus d’un million d’habitants, la capitale shogunale est à l’époque la plus grande ville du monde. Hiroshige dépeint dans sa série des sites qui attiraient des foules de badauds tels que le temple d’Asakusa, le quartier des plaisirs de Yoshiwara ou encore le pont de Nihonbashi, mais il s’attarde aussi sur des lieux moins connus de la capitale et de ses environs. Il dresse un portrait d’Edo au fil des saisons : cerisiers en fleurs sous lesquels se détendent les citadins, passants sur un pont surpris par un orage d’été, érables aux couleurs de l’automne, temples recouverts d’un manteau de neige… Peu à peu apparaît sous nos yeux une ville qui vit au rythme de la nature. Tandis que les silhouettes immuables des monts Fuji et Tsukuba se profilent au loin.
 
Hiroshige est né en 1797 à Edo. Il est le fils d’un samurai de rang modeste, fonctionnaire dans une caserne de pompiers de la ville. A la mort de son maître Utagawa Toyohiro en 1828, il délaisse les représentations d’acteurs et de beautés féminines pour se consacrer au paysage. Les premières estampes de ce genre qu’il publie sont une petite série de vues de la capitale (Tôto meisho). C’était en 1831, année où sont éditées les Trente-six vues du Mont Fuji de Hokusai (1760-1849), l’autre grand paysagiste dans le domaine de l’estampe. Il connaît le succès trois ans plus tard avec les Cinquante-trois étapes du Tôkaidô, inspirées de croquis réalisés alors qu’il accompagnait une délégation shogunale d’Edo à Kyôto. Par la suite, les vues d’Edo, de Kyôto, du mont Fuji et du Tôkaidô composent l’essentiel de sa production. Tout au long du XIXe siècle, la demande pour ce genre de gravures sur bois ne cesse de croître car elles constituent un souvenir très apprécié à une époque où les voyages commerciaux et touristiques, sans oublier les pèlerinages, connaissent un formidable engouement. .
 
La capitale shogunale a toujours été pour Hiroshige une source d’inspiration inépuisable. Toutefois, les Cent vues célèbres d’Edo sont particulièrement remarquables à plus d’un titre. Comme son titre l’indique, cette suite devait se composer initialement de 100 estampes, chiffre incroyablement élevé pour une série de ce type. Le succès rencontré fut tel que Hiroshige conçut finalement 118 vues. 
Aussi nombreuses soient-elles, ces estampes ne nous lassent pas. Elles surprennent d’abord par leur format vertical, inhabituel pour des paysages. Mais, outre la fraîcheur de leurs coloris, c’est surtout l’originalité des compositions qui est l’un des attraits majeurs de cette série. Dans une grande partie de ces vues, un élément tronqué et grossi en premier plan – branche d’un prunier, bras et jambes d’un batelier, lanterne d’un temple… – contraste avec le paysage lointain en arrière-plan. Ces cadrages hardis, qui font penser à ceux de photographies, alternent avec des vues plongeantes dans lesquelles les paysages semblent vus du ciel.
 
 
Depuis l’ouverture du Japon à l’Occident à la fin du XIXe siècle, Edo est devenue Tôkyô, la capitale shogunale s’est transformée en une gigantesque mégalopole. Egalement présentées dans cette exposition, des photos prises récemment sur les lieux dépeints par Hiroshige témoignent de cette évolution radicale.
 
La réalisation complexe et minutieuse des estampes ukiyo-e nécessite de la part de l’artisan une extrême précision. Plusieurs séances de démonstration du tirage d’estampes présenteront les différentes étapes de l’impression de ces gravures sur bois. Ces démonstrations seront organisées par la Tokyo Traditional Wood Block Printing Association le samedi 14 et le mardi 17 mai dans la salle d’exposition (niveau 2).