1. Les premiers pas du documentaire 
'appellation « cinéma documentaire / dokyumentarii eiga » est peu courante dans le Japon d’avant 1945, car la traduction qui fut retenue dans les années trente pour le mot anglais documentary des réalisateurs et théoriciens Paul Rotha et John Grierson fut « cinéma culturel / bunka eiga »
La naissance du cinéma documentaire au Japon coïncide avec 'essor de ce dernier sur la scène internationale. Les premières sociétés de production et d’importation de films envoient des opérateurs tourner des images de la Révolte des Boxers (Chine, 1900), suivre la mission japonaise d’exploration de 'Antarctique en 1910 (voir le film Histoire du documentaire d’actualité présenté dans ce programme), ou filmer la victoire japonaise contre les Russes (1905). Tous ces évènements qui sont autant de symboles marquant 'entrée du Japon dans le 20e siècle ravissent le public et favorisent le développement de 'industrie cinématographique. 
A cette époque, le documentaire s’appelle encore « film reproduisant des images réelles / jissha eiga » ou « film de reportage / kiroku eiga ».

Souvenir de la guerre russo-japonaise / Omoiokose nichiro taisen
5’ / 1905 / 35 mm / sous-titres français
Les reportages filmés sur la guerre russo-japonaise (1904-1905) constituèrent le principal de la production des documentaires d’actualité au cours de ces deux années. La première salle de cinéma avait ouvert à Tôkyô 'année précédente, en 1903. Les maisons de production dépêchèrent sur le front des équipes de tournage et se livrèrent une concurrence acharnée car ces reportages étaient extrêmement populaires. Sont présentés ici des extraits de films tournés au cours de 'année 1905.

Le corps expéditionnaire en Sibérie / Shiberia hakengun no jôkyô
10’/ 1921 / vidéo Betacam / sous-titres français
Des images datant de 1921 montrant 'activité du corps expéditionnaire japonais en Sibérie. Les Japonais affrontent 'armée révolutionnaire russe à Nikolaïevsk, sur 'estuaire du fleuve Amour, et finissent par occuper le nord de 'île de Sakhaline.

Un tournoi de sumô de 'Ere Meiji / Meiji Ozumô
6’ / 35 mm / sous-titres français
Une des toutes premières prises de vue japonaises réalisées avec le procédé d’Edison qui venait d’être importé au Japon en 1897, en même temps que le Cinématographe des Frères Lumière. C’est avec les tournois de sumô, les scènes de rue et les pièces de kabuki que les premiers opérateurs nippons s’essaient à 'art cinématographique.


2. Les films éducatifs
Une idée reçue fait commencer la généralisation au Japon du 16mm à partir de 1945, grâce aux projecteurs Natco apportés par 'armée américaine. En fait, le 16mm était déjà d’un usage très courant au Japon avant la guerre. Légers et maniables, les 16mm circulaient à travers tout 'Archipel, dans les écoles notamment, pour présenter des films éducatifs et scientifiques. Les séries de films produites par la Brey’s Educational Films (USA) et les Kultur Film de la UFA (Allemagne) auront une grande influence sur le développement du « documentaire pédagogique / kyôiku eiga » japonais.

Voyage de Tôkyô à Aomori / Tokyo kara Aomori made
6’ / 1933 / vidéo Betacam / sous-titres français
Un voyage en train de 800 km au départ de la gare d’Ueno (Tôkyô) jusqu’à Aomori, ville portuaire de 'extrême nord de 'île Honshû, et dernière étape avant 'île du Hokkaido. A la découverte des principaux sites historiques et des particularités régionales du Tôhoku, le Japon du nord-est. Un film éducatif typique de 'époque.

Architectures japonaises / Nihon no kenchiku
13’/ 1937 / 16mm / sous-titres français
Une présentation générale de 'architecture japonaise, des sanctuaires shintô traditionnels en bois aux immeubles d’habitation modernes en béton. Film destiné à 'époque au public étranger. D’autres réalisations du même genre ont été présentées à 'Exposition internationale de Paris en 1937. Les images sont de Takashi Mimura, un des célèbres caméramen d’Akira Kurosawa.


3. Les films culturels
En 1939, la loi sur le contrôle des spectacles cinématographiques est modifiée et impose aux exploitants de salle d’accompagner tout film de fiction d’un film culturel, éducatif ou d’actualité. Suite à cette mesure, nombre de producteurs se détournent de la fiction de plus en plus encadrée par la censure, au profit du cinéma culturel / bunka eiga (de 'allemand Kultur Film par référence aux films éducatifs de la UFA qui étaient importés alors au Japon) qui connaîtra son âge d’or malgré les difficultés de 'époque. Pays de neige est 'une des plus célèbres réalisations du genre tant pour sa qualité documentaire qu’artistique. 

Pays de neige / Yukiguni
37’ / 1939 / 16mm / sous-titres français
Voyage dans les régions montagneuses où 'enneigement abondant et persistant rend la vie paysanne difficile. Mais la modernisation des transports et de 'habitat ainsi que 'esprit de solidarité viennent peu à peu à bout de la neige. 

Une femme de Wagu / Wagu no Ama
1941 / vidéo Betacam / sous-titres français
Une description étonnante du monde fermé des pêcheuses de perles de Wagu, un village dans la péninsule de Shima, près d’Ise. 


Tôkyô – Pékin / Tôkyô - Pékin
38’ / 1939 / 16mm / sous-titres français
Présentation de la Corée, de la Mandchourie et de Pékin alors occupée par 'armée japonaise. Ce moyen métrage commandé par le ministère des transports et du tourisme de 'époque se présente sous la forme d’un voyage, sans aucune allusion à la guerre et aux difficultés rencontrées par 'armée en Chine. Il illustre les problèmes des réalisateurs qui doivent se plier aux exigences de la censure. Ce film est représentatif de 'autre aspect du « film culturel » qui était de servir les intérêts de la politique d’expansion, en 'occurrence encourager 'implantation de colons japonais sur le continent. Les images sont de Takashi Mimura, un des caméramen de Kurosawa Akira.