Japonaise de naissance, parisienne d’adoption, Yoshi Takata fut d’abord attirée par le dessin, activité qu’elle exerce toujours avec talent, et ce n’est qu’à partir de 1954, qu’elle commence à « dessiner avec la lumière ». Cette année-là, elle décide de quitter le Japon pour venir vivre à Paris. Après huit ans à la succursale de l’Agence France Presse à Tôkyô, où elle fit la connaissance de grands reporters-photographes comme Ihee Kimura, Werner Bischof et Robert Capa, les correspondants de guerre lui offrirent un Nikon comme cadeau de départ. L’appareil lui servira jusqu’au début des années soixante, lorsqu’elle achète son premier Leica.
A Paris, Yoshi Takata retrouve Kimura, qui lui fait rencontrer les grands photographes travaillant dans la capitale : Edouard Boubat, Brassaï, René Burri, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Man Ray, Emile Savitry... et la guide dans son apprentissage de la photographie. Le regard de Yoshi est également formé par les promenades dans Paris avec ses amis photographes, qui la sensibilisent à la lumière de la ville, au charme de ses rues, et aux attitudes et comportements de ses habitants. Ses photographies de Paris sont réunies dans l’ouvrage Les 20 arrondissements de Paris, édité à Tôkyô en 1974 avec des textes de Ryôichi Kogima, puis en 1995, dans le livre Mémoires de Paris, le présent du passé (Kyôto, éditions Kyôto-Shoin).
L’année suivant son arrivée à Paris, elle rencontre Pierre Cardin, dont elle devient la collaboratrice inséparable. Surtout, elle se consacre à la photographie de mode, tâche qu’elle assumera pendant près de quarante ans pour la maison Cardin. Participant pleinement à la vie parisienne, Yoshi rencontre et tire le portrait de personnages célèbres, de toute nationalité, dans les domaines de la musique, la danse, le théâtre, le cinéma, la littérature et les arts plastiques.
Enfin, pendant toutes ces années, Yoshi Takata constitue un corpus de travail indépendant, réalisé en France, au Japon, en Chine, au Brésil ou dans d’autres pays, qui reflète une grande sensibilité et une perception claire et distincte du monde. L’exposition permet de découvrir ou de revoir ces images pour mieux comprendre la cohérence de sa démarche. Elle révèle l’acuité du regard du photographe et sa capacité à enregistrer sur film les interstices de la vie, les moments d’attente ou de solitude, les entre-deux et les traces de passage des êtres, tous si essentiels aux instants décisifs qui déterminent notre existence.
Thomas Michael Gunther