UN VOYAGE AU COEUR DE 10 000 ANS D’HISTOIRE DE L’ART

Cette exposition a pour vocation de synthétiser les éléments des manifestations prévues à Paris dans le cadre de la saison culturelle « Japonismes 2018 ».

La culture artistique de cet archipel d’Extrême-Orient, dont le climat varie considérablement du nord au sud et avec les saisons, est intimement liée à la nature. Son isolement a donné naissance à une façon originale d’absorber et de développer la culture.

L’esthétique japonaise inclut ainsi des éléments parfois antagonistes tels que le calme et le mouvement, le masculin et le féminin, le bien et le mal, la forme et le chaos, la permanence et l’instant, le baroque et le minimalisme, la tradition et la modernité ; c’est dans cette zone de flottement où les pôles opposés deviennent les deux facettes d’une même pièce qu’elle s’épanouit. Il n’est pas question de synthèse conciliatrice où les éléments opposés seraient à la fois éliminés et affirmés (aufhebung) comme dans la dialectique occidentale. Au contraire, ils restent bien distincts l’un de l’autre.

D’une certaine façon, on pourrait parler de « dialectique du flottement ».

Cette vision ne repose pas sur l’anthropocentrisme occidental qui affirme le dualisme soi/autre et sujet/objet, séparant la nature de la société, mais sur un anti-anthropocentrisme animiste où l’homme ne fait qu’un avec la nature et avec l’environnement et qui reconnaît la nature divine de toute chose. Cet état d’esprit mène à un moyen de « japoniser » librement les cultures étrangères grâce à l’imitation et à une grande curiosité intellectuelle, sans filtre critique. Lévi-Strauss oppose à la conception « centrifuge » du sujet qui prévaut en Occident une conception « centripète », relativement ouverte, où l’essence de l’individu dépend des circonstances dans lesquelles ils se trouve. Reposant sur la liberté d’assimilation et une identité ouverte en fonction des circonstances, la culture japonaise possède un dynamisme et une énergie qui rappellent l’activité biologique et le renouvellement cellulaire.

À l’ère de l’anthropocène (changements environnementaux causés par l’anthropocentrisme), confrontées à la question du terrorisme et des migrations, la France et l’Europe cherchent à tâtons une nouvelle direction. Cette exposition est aussi un message du Japon en faveur de la coexistence du présent et du passé et du vivre-ensemble. Son titre, « Fukami » - une plongée dans l’esthétique japonaise, enjoint les visiteurs à dépasser les clichés existants pour s’immerger sans les profondeurs de la véritable essence de l’esthétique japonaise. L’espace d’exposition est donc conçu de façon interactive, afin que le public puisse éprouver les liens créatifs entre des œuvres très différentes. Les œuvres exposées au sein de ce magnifique bâtiment français du 19e siècle couvrent 10 000 ans d’histoire. La conception de l’espace a été confié à l’agence d’architecture SANAA. Les interactions entre les œuvres et le bâtiment, tout en transparence et en flottement, annulent leurs origines, guidant les visiteurs dans un espace de pur dialogue avec les objets. Cette scénographie interactive qui traverse les âges et les pays en juxtaposant œuvres anciennes et contemporaines d’une part, japonaises et occidentales d’autre part, invite un voyage qui apporte de nouvelles perspectives et de nouveaux regards sur le monde. Cent pièces créées par 25 artistes sont exposées, avec « l’expression du vivant » pour fil conducteur.

Elles sont organisées autour de 10 thèmes :
 

♦ Prologue – Dualité d’échos, Exprimer les origines de la vie – déconstruction et transmission de l’animisme 
♦ L’alchimie - transformer la matière, transformer la perception 
♦ Esthétique de la disparition – Minimalisme
♦ Vers le Sud- Revitalisation de la créativité par la sphère périférique 
♦ Représentation du désastre et de la crise - les médias vers une nouvelle existence 
♦ Renaissance répétée, Renaissance de l’intangible
♦ Paysage subjectif - philosophie de la légèreté 
♦ Hybridation - Coexistance
♦ Epilogue- Transformation
 

 

Tout comme le japonisme du 19e siècle a eu un fort impact sur Paris et sur l’Europe, cette exposition est une occasion de favoriser le tissage de liens variés et stimulants et de suggérer que des imaginations diverses peuvent entrer en résonance, de nos jours, en 2018.

YUKO HASEGAWA