« Ce qui distingue le cinéma et lui donne son identité inimitable par rapport à la littérature ou aux arts de la scène, c’est le tournage en extérieur. (…) J’ai volontairement exclu les éléments du jeu théâtral de mes films, et une fois débarrassé de cela le cinéma peut alors se résumer à un poème. Si l’on enlève les acteurs et l’œuvre originale, le cinéma n’est rien d’autre que de la poésie. » 
Hiroshi Shimizu (1903-1966) 


Longtemps, Hiroshi Shimizu (1903-1966) est resté un inconnu dans son pays.

Pourtant, entre 1925 et la fin des années 1930, il fut la locomotive économique des studios Shochiku, en tournant près de 10 films par an : mélodrames-fleuves (Les sept mers, Perle éternelle, La Voie lactée) adaptés de la littérature ; fresques sociales (À la croisée des chemins, Voici les femmes du printemps qui pleure) ; films d’étudiants nonchalants qui entrent à reculons dans le monde réel (Un jeune héritier à l’université, L’athlète vedette) lui valurent le statut de grand maître. Mais c’est surtout avec les comédies Monsieur Merci, Une femme et son masseur et Pour une épingle à cheveux qu’il montra sa patte d’auteur. Le spectateur s’attache vite à ces petits films, faussement anecdotiques, à leur touche moderne au charme délicat, marque de fabrique de son studio, et à leur mélancolie douce-amère qui nous font entrevoir le regard porté par Shimizu sur son époque.

Ses contemporains Mizoguchi et Ozu ont dit de lui qu’il était « un artiste touché par la grâce », quand eux-mêmes se voyaient comme des besogneux ; certes, Shimizu relança la carrière d’Ozu qui était boudé par le public, en écrivant pour lui les histoires originales de Je suis sorti de l’université mais… et Va d’un pas léger ; c’est encore lui qui découvrit Kinuyo Tanaka, future égérie de Mizoguchi sans laquelle la carrière de celui-ci eût été changée.

Ses partis pris esthétiques peu communs pour l’époque – tournage en pleine nature, utilisation d’enfants comme protagonistes, omniprésence du travelling, mise en scène réduite au strict minimum… – le firent surnommer « l’enfant sauvage du cinéma japonais », et l’on s’accorde aujourd’hui à dire qu’il incarna une nouvelle vague à lui seul dans le cinéma d’avant 1945. 

La paix revenue, en faisant le choix de l’indépendance, il s’effaça devant Naruse, Ozu et Mizoguchi, qui devinrent à leur tour les piliers d’un studio system tout puissant. Libre de toute contrainte, Shimizu se consacra alors presque exclusivement au thème de l’enfance à travers deux genres en vogue après 1945 – les orphelins de guerre et les films de mère – auxquels il donnera ses lettres de noblesse avec Les enfants de la ruche (1948), L’amour d’une mère (1950) et Les enfants du Grand Bouddha (1952). La redécouverte de ces films dans les années 1990 contribuera à la réhabilitation de Hiroshi Shimizu, l’oublié nippon aux 163 films. Même si les deux tiers de son œuvre ont été perdus, cette rétrospective de ses 51 films encore existants est la première de cette ampleur à être présentée en dehors du Japon.


 

Cette rétrospective est réalisée simultanément du 26 mai au 20 juin 2021 à la Cinémathèque française.
Chaque film fera l’objet d’une projection à la MCJP et à la Cinémathèque française.
Détail de la programmation https://www.cinematheque.fr/cycle/hiroshi-shimizu-567.html