À l'occasion de la Fête de la musique, emmené par la magnifique voix de la chanteuse traditionnelle Miwa Yonashiro, le Paris Sanshin Club s'associe au groupe folklorique Yui no Ne, de l’île de Miyako-jima, pour vous faire découvrir toute la diversité et la richesse musicale des chants et des danses d’Okinawa.
Du raffinement de la musique de la cour de l’ancien royaume des Ryûkyû aux chansons folkloriques de Miyako-jima qui expriment la joie de vivre et, parfois aussi, la mélancolie, en passant par la fureur des tambours de la danse Eisa, sans oublier la gaieté communicative des danses traditionnelles, c’est à un véritable voyage musical et initiatique auquel nous vous convions pour découvrir la diversité de la musique d’Okinawa.
Miwa Yonashiro
Née à Hirara sur l’île de Miyako-jima. Elle a été initiée dès son enfance, et guidée en cela par sa mère, aux chansons folkloriques de Miyako-jima, au sanshin (luth à trois cordes) et aux danses de Miyako. Elle participe activement à la diffusion du répertoire classique et folklorique sur son île de Miyako-jima et bien au-delà.
Professeure de musique classique de l'école Nomura de musique traditionnelle des Ryûkyû, chanteuse et joueuse de sanshin du groupe Miuni depuis 2017, elle a participé au festival de musique « Live Magic » organisé par Peter Barakan en 2017, 2019 et 2023. En 2022, elle s'est produite avec le groupe Miuni au Festival de musique folklorique Hashi no shita.
Yui no Ne
Perpétuant la culture et le dialecte propres à leur île, les membres de ce groupe folklorique créé en 2014 et dirigé par Miwa Yonashiro auront traversé la moitié du globe pour jouer devant vos oreilles ébahies leur répertoire séculaire et insulaire.
Paris Sanshin Club
Créé en 2009 à l’occasion de la venue en France de Maître Kise Shinjin de l’école Nomura, le Paris Sanshin Club réunit aujourd’hui une trentaine d’amateurs autour de l’étude de la musique traditionnelle d’Okinawa. Ces passionnés de la musique d’Okinawa font résonner leur taiko et font vibrer les cordes de leur sanshin depuis plus de 10 ans dans les principaux évènements consacrés à la culture japonaise à Paris.
Programme
Kagiyadefu
Asadoya Yunta
Hounenno uta
Nariyama Ayagu
Nakadatinu Migagama
Agauzatonnaka
Tinsagunu Hana
Eisa (danse de taiko)
Solo de Miwa Yonashiro
Danju Kariyushi
Yonaguninu mayāgwā
Ikimanu Shu
Hounenno Kuichaa
Harimizuno Kuichaa
La musique d'Okinawa
L'omniprésence de la musique traditionnelle à Okinawa manque rarement de surprendre le visiteur. A la radio, dans les transports en commun, dans les restaurants, au marché, la chanson « folklorique » se déverse de haut-parleurs à tous les coins de rue, et les établissements qui lui sont consacrés, les « min'yō sakaba », sont aujourd’hui encore une institution. En ce sens, c’est une des rares traditions musicales qui est préservée non seulement au sens patrimonial, mais également en tant que pratique vivante.
Comme dans beaucoup de sociétés agraires, le chant et la danse rythmaient le quotidien les villageois des îles Ryūkyū : comptines, berceuses et chants de travail cédaient la place à la nuit tombée au mō-ashibi, littéralement « divertissement champêtre », une joute musicale informelle qui réunissait les célibataires du village. Les citadins fréquentaient quant à eux les cabarets du monde flottant dans les faubourgs de Shuri, l’ancienne capitale royale (aujourd’hui Naha). Les diverses célébrations qui ponctuaient l'année étaient également l’occasion de chants et de danses rituelles, traditions qui sont encore strictement observées par la plupart des communautés. La plus populaire de ces danses est incontestablement l’eisa, chaque troupe arpentant encore aujourd’hui son quartier au son des tambours et du luth sanshin tous les soirs durant la Fête des Morts.
Instrument emblématique d’Okinawa, le sanshin – littéralement « trois cordes » – apparaît dans les sources historiques aux alentours du XIVe siècle. Les circonstances de sa naissance sont assez mal documentées : il semble avoir été rapidement adopté par la cour royale et devient au tournant du XVIIIe siècle un élément central de sa diplomatie. Pendant plus de deux cents ans, luthiers et artistes sont choisis parmi les grandes familles pour accueillir les ambassades chinoises et de Satsuma. A la dissolution du royaume en 1879, de nombreux aristocrates se tournent vers l’enseignement musical ou remontent sur les planches – cette fois-ci pour un public bourgeois et populaire. Ils inaugurent l'ère des artistes de métier, et ouvrent la voie aux chanteurs à succès qui se feront connaître grâce à la radio et au phonographe, puis au jukebox dans les années 60.
Si les conditions matérielles difficiles freinent l’adoption du sanshin dans les campagnes, l’instrument s’y diffuse tout de même progressivement tout au long de l’histoire des Ryūkyū, de manière très inégale suivant les régions. Avec la hausse du niveau de vie au XXe siècle et notamment après 1945, la pratique de l’instrument explose : les cours et les radio-crochets fleurissent, et l’enseignement de la musique traditionnelle se professionnalise.
Aujourd’hui, le répertoire de la cour bénéficie de nouveau d’une politique publique de préservation avec l'établissement de cursus professionnalisants à l'Université des Arts d’Okinawa et au Théâtre National Okinawa. La professionnalisation a également largement préservé la musique des classes populaires de l'érosion des modes de vie traditionnels. Elle se décline en trois aires culturelles de langues distinctes : l'île d’Okinawa et ses alentours, et les archipels de Yaeyama et Miyako. Chacune a son répertoire, ses spécialistes et ses spécificités : prédominance de la poésie ryuka (8-8-8-6 syllabes) et de la gamme « des Ryūkyū » (une gamme pentatonique majeure sans re et la) sur l'île principale, chant responsorial yunta et jiraba à Yaeyama, et forme métrique libre et danse en cercle kuicha à Miyako.
Des centaines de mélodies et des milliers de couplets nous sont ainsi parvenus à travers les siècles, auxquels les interprètes contemporains n'hésitent pas à ajouter leurs créations originales. Et si la modernité a très largement érodé les langues comme les modes de vie traditionnels, ces chants sont pour beaucoup d’Okinawaiens et leurs descendants un fil rouge qui les lie à leurs ancêtres.
Florian Bricard
Musicologue
Spécialiste de la musique d'Okinawa