Impossible d’imaginer les paysages japonais sans les fourrés aux majestueux panaches vert-tendre qui bordent rizières et collines, et comment de ne pas s’arrêter quelques instants au milieu des épais chaumes, annelés et élancés comme les piliers d’une voûte dont la quiétude vous coupe soudain de la densité urbaine ? Au-delà de satisfaire une esthétique zen en vogue, cette élégante plante de la famille des graminées présente de nombreuse qualités et vaut bien que l’on s’y attarde : le bambou sert à tout !

Éventail, pinceau, cure-oreille, fouet à thé…  Le chaume (tige) du bambou aux fibres serrées et riche en silice fournit un bois très dur et lisse avec lequel on fabrique un nombre incalculable d’ustensiles et d’objets, des plus minutieux aux plus simples. Sa peau très souple se tresse en paniers aux formes multiples, de la passoire à nouilles aux grosses malles de voyage, sa légèreté et sa résistance lui permettant de contenir de gros poids.

Sudare (stores), plancher, mobilier ou luminaire… de l’objet décoratif au bois de finition, le bambou est un familier des intérieurs auxquels il apporte une touche chaleureuse et sophistiquée.

Rigide et imperméable, c’est un matériau crucial pour l’habitat dans les pays d’Asie du Sud-Est où il n’est pas rare de voir une maison bâtie toute en bambou, de la structure jusqu’aux tuiles sans clou ni vis. Dans les régions japonaises plus froides, il est souvent l’un des éléments porteurs d’une maison rurale modeste : armatures en grillage pour édifier les murs de pisé ou de torchis, cannes soutenant les lourds toits de chaume, etc.

Le bambou est aussi très utile dans le domaine des travaux publics. La régularité de son chaume permet par exemple d’élaborer des échafaudages ayant l’avantage de ne pas rouiller, d’être peu coûteux, légers et souples en cas de séisme. Imputrescible et creux, il peut aussi être transformé en conduit pour acheminer l’eau qui alimente les fontaines des jardins des temples, ou l’eau que l’on achemine sous terre : les cloisons (correspondant aux nœuds) percées pour en faire un tube, enduit d’huile et noirci au feu, le chaume résiste aux insectes et à la pourriture.

Comestible, « l’enfant du bambou » tel que l’on nomme la jeune pousse, agrémente de nombreux plats à base de poulet, de poisson, de riz ou de nouilles. On emballe la nourriture dans ses feuilles dont l’imperméabilité est tout aussi utile pour la confection de chapeaux de pluie.

Musical et divin est le vent qui souffle dans une forêt de bambou. Ainsi les instruments fabriqués en bambou – orgues à bouche et flûtes diverses dont le langoureux shakuhachi – sont considérés comme « purs » dans la musicologie japonaise.

Assainissant, il rejette dans l’air 30 % d’oxygène de plus que les feuillus… La liste serait bien trop longue pour évoquer les services rendus par cette étonnante graminée peu présente dans nos contrées. Serait-elle la plante de l’avenir ?

Usuki Bamboo lantern festival © JNTO 

Visuel de la vignette : Sagano © JNTO