Ama et poulpe : Source gallica.bnf.fr / BnF
Les ama (littéralement "femmes de la mer") du Japon et leurs consœurs sud-coréennes, les haenyo de l'île Jeju-do, demeurent les seules au monde à pratiquer une activité ancestrale de pêche en apnée pour leur subsistance.
Il est communément admis que cette tradition existe depuis plusieurs milliers d'années. La première trace écrite au Japon sur le sujet apparaît dans le recueil de poèmes Man'yôshû datant du 8e siècle, qui évoque notamment les plongeuses de Okinawa.
A l'époque Edo, des hommes ama se regroupent afin de profiter d'un commerce lucratif de coquillages séchés vers la Chine.
L'activité demeure cependant majoritairement féminine : le corps des femmes, paré d'une couche de gras plus importante, leur confèrerait un avantage naturel pour cette activité qui s'exerce à plusieurs dizaines de mètres de profondeur dans des eaux froides quelque six mois par an, traditionnellement de mars à septembre. Ce métier offrait aussi aux femmes une indépendance financière à des périodes où peu de choix s'offraient à elles. Une grande solidarité unit les ama entre elles, qui partent en petit groupe sur un bateau, mutualisant ainsi ces frais, tout en pêchant individuellement.
L'activité connaît un regain après-guerre avec l'apparition de protections thermiques et un nombre croissant de restaurants chinois générant une forte demande en ormeaux. On compte alors plus de 70 000 ama au Japon, contre à peine 2 100 dans l'ensemble de l'Archipel au début des années 2010, dont près de la moitié à Toba et à Shima, dans la préfecture centrale de Mie.
Jusqu'aux années 1970 toutefois, les ama ne plongent le plus souvent qu'avec un simple pagne, s'équipant parfois, selon les régions, de palmes ou de masques.
Avec le déclin de cette tradition, dû entre autres à la surpêche, la moyenne d'âge actuel des ama est de plus de 60 ans et il arrive que certaines travaillent jusqu'à plus de 80 ans. Actuellement, la plupart utilisent une combinaison intégrale, mais continuent de plonger en apnée. Les ama ont d'ailleurs développé une technique respiratoire unique, le isobue ("sifflement de la mer"). La pêche unique pratiquée par les ama a été désignée patrimoine immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2017.
Si "ces femmes de la mer", immortalisées par l'ethnologue Fosco Maraini dans les années 1950, sont associées dans l'imaginaire à la pêche à la perle, en réalité, celles-ci, de tout temps, ont surtout pêché des produits de la mer comestibles, tels que les très recherchés ormeaux, les turbos, les poulpes, les oursins, certaines algues...
Côté littérature, le roman de Mishima Yukio, Le tumulte des flots, consacre de longs passages au quotidien de ces femmes sur une petite île.
Les estampes rendent également hommage également à ces pêcheuses qui se soucient du renouvellement des ressources naturelles. En guise d'exemples, ci-après, la partie droite d'un triptyque consacré aux ama de Kitagawa Utamaro. Katsushika Hokusai s'est également saisi du sujet pour ses œuvres (cf. estampe en tête de ce dossier).
©Metropolitan Museum of Art, New York
Notre fonds compte également en français un superbe documentaire audiovisuel sur ce sujet: Butta, Carmen, Les ama, reine de la mer. Arte, 360° Géo, 2009.
Visuel de la vignette : Ama. Atelier de Hokusai. Source gallica.bnf.fr / BnF