A l'occasion de la venue de la troupe Dairakudakan qui investit de nouveau pour notre plus grand plaisir nos locaux trois semaines durant (du 23 novembre au 9 décembre 2017), la bibliothèque vous convie à découvrir plus avant le butô, danse qui ne laisse guère indifférent.

Le butô, danse d'avant-garde née au Japon à la fin des années 1950, a acquis une renommée mondiale et a marqué de son influence la danse contemporaine. 

A l'origine du butô, se dresse la figure tutélaire de Hijikata Tatsumi, qui explore l'osbcur, le chaos, la mort, et signe ses performances coup de poings comme autant de manifestes contre l'art établi. En contraste, Ono Kazuo, qui le rejoint dès ses débuts et que seule la mort à un âge avancé empêchera de continuer à danser, adopte vite un style plus tranquille, plus intériorisé. 

Quel que soit l'interprète, le butô se joue de l'esthétique conventionnelle, des normes sociales, dérange par son questionnement incessant des frontières (humain / animal, vie / mort, masculin / féminin, beau / grotesque ou monstrueux, agonie / extase...).  Les visages sont grimaçants, les corps quasiment nus  peints de blanc évoluent par moments de manière minimaliste ou expressionniste, portés par des phrasés au rythme irrégulier, empruntant parfois d'étranges postures.

Bien loin d'être figée, cette forme de danse continue de se renouveler à travers le travail de nombreux artistes et compagnies, dans des registres variés. La compagnie Dairakudakan qui se produit régulièrement à la Maison de la culture du Japon à Paris n'en est pas une des moindres. Donnons la parole à son leader, Akaji Maro (photo ci-dessus), et place aux artistes.

Quand on découvre que l’ADN de l’homme diffère très peu de celui d’une mouche, ça nous rapproche énormément d’elle.

Le butô a donné sens à des mouvements exclus de la danse jusqu’alors. Il a été un des premiers mouvements japonais à proposer la non-danse.

Un danseur peut se poudrer de blanc et évoluer sur scène la bouche ouverte. Mais pour que la bouche donne l’impression d’un gouffre, c’est bien des années qu’il faut compter.

Cela me plaît d’accorder la même valeur à deux éléments contraires : celui qui danse bien et celui qui danse mal, le sérieux et le rire, la chorégraphie et le ressenti intérieur des danseurs, le beau et le laid, le lourd et le léger, le droit et le courbe. C’est parce qu’il existe cette dualité que la situation devient intéressante.  [tirés des entretiens de Maro Akaji avec Soejima Aya]

 


© Naoko Kumagai