La Shintoho (Nouvelle Toho) a été fondée en 1947. Elle est la plus jeune des compagnies de l’âge d’or avec la Toei, créée en 1951, après la Nikkatsu, la Shochiku, la Toho, la Daiei. Malgré ses dimensions modestes et une fragilité financière permanente du fait qu'elle soit née d'une scission avec la Toho, elle a réussi à produire près de 800 films dont quelques succès colossaux au box-office comme L’empereur Meiji et la guerre russo-japonaise.
Des projets à grand budget confiés pour l'occasion aux meilleurs réalisateurs du moment (Yutaka Abe, Ozu, Kunio Watanabe, Mizoguchi, Kurosawa, Uchida, etc.) sont devenus des classiques du cinéma mondial ; tandis que d'autres, plus modestes, réalisées par les cinéastes maison, étonnent encore aujourd'hui par leur touche de modernité : les films noirs de Teruo Ishii et sa fameuse série Line, les films fantastiques de Nobuo Nakagawa à la beauté formelle incomparable, les mises en scène élégantes des films de jeunesse de Kon Ichikawa, tous inédits en France ; sans oublier les superproductions historiques divertissantes de Kunio Watanabe inspirées du modèle hollywoodien, et les premiers essais du cinéma érotique nippon (La série des Femmes plongeuses).
Pendant six mois, la MCJP vous présentera une cinquantaine de productions parmi les plus marquantes de la Shintoho qui, pour se faire une place au sein d'un studio system déjà saturé, joua la carte de l’audace en inventant des sous-genres cinématographiques tout à fait atypiques et à l'imagination débridée. Le fait qu'elle ait été fondée dans un contexte de crise (conflits syndicaux au sein de la Toho), qu'elle ait pour ainsi dire surgi du néant sans être attachée à une quelconque tradition esthétique qui l'aurait contrainte (comme la Shochiku avec ses drames familiaux), tout cela a poussé ce studio à adopter la liberté sans entraves pour survivre. Exemple unique dans l'histoire du cinéma mondial, l'étoile filante Shintoho (elle fait faillite en 1961) a été littéralement une usine « à films nouvelle vague", pour reprendre l’expression du scénariste et historien de la Shintoho, Chiho Katsura. Elle possède un patrimoine important en cours aujourd'hui de réhabilitation critique, et dont la connaissance est essentielle pour qui veut apprécier les enjeux esthétiques du septième nippon à une époque décisive de sa trépidante histoire.
Fabrice Arduini