Elixir incontournable des soirées de détente dans un izakaya (bar à saké), où il délie les langues, accompagné petits plats légers et savoureux, otsumami, servi, selon son arôme, réchauffé ou froid dans des écrins de fines céramiques, le saké est l’indispensable boisson des moments festifs et conviviaux. Mais, à l’origine comme de nos jours, il est aussi le breuvage sacré qui relie les hommes avec les dieux selon la tradition shintô, d’où sa présence dans de nombreuses coutumes, telle que la cérémonie du mariage pendant laquelle les mariés échangent trois coupes avant de prononcer leurs vœux. La plupart des brasseries sakagura possèdent d’ailleurs en leur sein un petit autel dédié au divin Matsuo, le dieu du saké, où l’on dépose des offrandes avant la journée de travail afin d’assurer sa protection. La trace écrite de l’existence du saké, cité à plusieurs reprises dans le texte mythologique du Kojiki (712), est l’une des plus anciennes dans le domaine alimentaire nippon. À base de riz mâché et recraché, le kuchikami sake en est une forme archaïque parvenue jusqu’à nos jours dans certains temples, dont on voit l’illustration dans le dessin animé à succès Your Name : l’alcoolisation s’opérait grâce au mélange des enzymes de la salive avec les levures contenues dans l’air. Mais déjà dans les capitales de Nara et de Heian (VII-XIIe siècle) pratiquait-on le brassage à base du kôji – ce précieux ingrédient intermédiaire qui transforme l’amidon du riz en sucre avant que celui-ci ne devienne alcool - et treize sortes de sakés étaient répertoriées au Xe siècle à la cour.
Hasegawa Mitsunobu, Interior, Three Figures Sake Party ©Metropolitan Museum of Art, New York
Héritier de plus d’un millénaire de savoir-faire, le saké se décline aujourd’hui en un choix de qualités multiples, qu’il est heureux de savoir distinguer dans un marché où dominent la production industrielle et divers alcools souvent importés. Pour guider les amateurs, labels et distinctions fleurissent, notamment du côté des productions régionales très dynamiques et bénéficiant de la pureté de leur eau. Le brassage artisanal et traditionnel à base de kôji a par ailleurs été classé en octobre 2021 « Patrimoine vivant du Japon ».
Depuis peu, le saké s’exporte. En France où la consommation en a triplé ces sept dernières années, de jeunes brasseurs formés auprès de tôji japonais proposent désormais leur saké, certains à base de riz local. Le saké a de beaux jours devant lui sur la terre de ceux qui savent habilement allier le goût des plats avec les vins… de riz aussi certainement !
©keshino-no-bou @ magomepar kobakou
Visuel de la vignette : ©Metropolitan Museum of Art, New York