« Sur les traces de Fukushima » présente les traces des lieux d’existence dans la zone à Fukushima avant qu’elles ne disparaissent à jamais, pour être remplacées par les villes-objets produits par l’industrie urbaine. Cette exposition des photographies de Cécile Asanuma-Brice est une co-production du Centre de Recherches sur le Japon (CRJ), en partenariat avec MITATE lab. et l’Humathèque (Campus Condorcet).



La catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011 a fait couler beaucoup d’encre, bien qu’elle tende à tomber dans l’oubli. Pour la première fois au monde, une zone évacuée après un accident nucléaire, a été rouverte à l’habitat. Cette levée progressive de l’ordre d’évacuation s’est traduite par une politique de décontamination d’une ampleur qui n’a pas d’égale à ce jour. Bien que pharaonique, elle s’est néanmoins limitée aux habitations, à leur pourtour et aux terres cultivables contaminées. Les forêts, aux niveaux de contamination encore inégalement élevés, ont été laissées en l’état. Une fois la décontamination prévue achevée, s’ensuit une phase de destruction précédant celle d’une reconstruction balbutiante.


Lors des Jeux Olympiques de 2020, l’espoir d’un focus mondial sur la reconstruction de la zone la plus proche de la centrale endommagée et l’opportunité ainsi donnée de partager avec le monde entier une image plus positive de la situation s’est traduit par une accélération effrénée de sa réouverture. Ce fut d’abord un tourbillon de camions transportant les sacs de terre contaminée vers les entrepôts côtiers. Il fallait déblayer le terrain. Puis s’en est suivi la destruction des lieux d’existence, préambule nécessaire au rouleau compresseur de la planification urbaine qui allait bientôt s’imposer en maître des lieux.


Cette exposition propose de découvrir la situation après la levée de rideau. Afin d’effleurer l'instant qui laisse encore en suspens, le temps d’un temps, ce qui fut. En quelques heures, des villages de dizaines de milliers d’habitants furent évacués, à raison, face au danger présent. Ces rues désormais silencieuses et vides de toute animation humaine, exposent l’éventration des logis aux vents mauvais. La faune, quant à elle, profite de cette parenthèse paisible pour regagner un peu de terrain.


C’est cette histoire que nous souhaitons partager avant qu’elle ne disparaisse à jamais. Celle des lieux, celle des êtres.



*Cette exposition est organisée dans le cadre du 50e anniversaire du Centre de recherches sur le Japon de l’EHESS. Elle reprend une partie de celle qui a été présentée à l’Humathèque Condorcet du 22 septembre au 10 novembre 2023. 


_ _ _ _ _ _ _ _


Cécile Asanuma-Brice 

Chercheure CNRS basée au Japon, elle y co-dirige avec Olivier Evrard (CEA) le programme international de recherche pluridisciplinaire CNRS Mitate Lab. sur les conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima. En 2000, elle rejoint l'école d'ingénieur de l'université de Chiba au Japon, où ses recherches sont financées par une première bourse JSPS/CNRS, puis par le Ministère japonais de la recherche et de l’enseignement (MEXT).

 

Avec une double formation en urbanisme (DESS) et une thèse en géographie humaine de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales dirigée par Augustin Berque (prix de la Fondation du Japon, Ordre du Soleil Levant et Prix international Cosmos), elle est auteure de nombreux articles sur les conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima, ainsi que sur les transformations de la ville japonaise et les logiques sous-jacentes à la production de l’urbain. Elle fut rédactrice de la page Japosphère du journal Libération jusqu’en 2020. 


Conseillère scientifique de plusieurs films documentaires dont « irradiés », réalisé par Rithy Pahn (primé par un Ourson d’or à Berlin en 2020), elle développe également un travail photographique qui se traduit par des photos directement liées aux conséquences de la catastrophe nucléaire, mais également par des productions plus artistiques (compositions). Ses œuvres photographiques furent exposées à Yokohama, Tôkyô, Fukushima et Paris.


Elle est auteure de deux ouvrages :

•    Un siècle de banlieues japonaises, au paroxysme de la société de consommation, aux éditions Métispresses, 2019. 

•    Fukushima, 10 ans après. Sociologie d'un désastre nucléaire, Ed° Maison des Sciences de l’homme, 2021.